Bruno Schulz

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Bruno Schulz

Messagepar apollonia » Dim Aoû 24, 2008 8:11 am

Voici quelques pages / collection folio 2e

:oops: "Le Printemps" de Bruno Schulz :

P40
"Soudain le parc tout entier se transforme en un orchestre immense et muet, solennel et recueilli, attendant sous la baguette levée du chef que la musique mûrisse en lui, puis sur cette ardente symphonie silencieuse tombe le crépuscule bref et théâtral, comme sous la poussée d'une montée violente de tons dans tous les instruments à la fois - là-haut, la voix d'un loriot caché dans les branches transperce la jeune verdure - et tout devient grave, désert et tardif, comme dans la forêt à la tombée du jour. Un souffle à peine perceptible passe sur les cimes des arbres qui laissent tomber une pluie amère et sèche de fleurs de merisier. L'arôme âcre flotte sous le ciel assombri et descend dans un soupir de mort, les premières étoiles laissent couler leurs larmes, petites fleurs de lilas cueillies dans la nuit pâle et mauve. (Ah oui, je sais, son père est médecin sur un navire, sa mère était créole. C'est elle qu'attend toutes les nuits sur le fleuve le bateau à vapeur flanqué d'une roue de chaque côté, tous feux éteints."

P50
Quand à minuit ils entrent sans bruit dans la vaste villa au milieu des jardins, dans la chambre blanche au plafond bas ou se trouve un piano à queue noir et luisant dont toutes les cordes se taisent, quand à travers la grande baie vitrée la nuit entre comme à travers les verres d'une serre,
nuit pâle ou tombe une fine pluie d'étoiles- dans les vases des branches de merisier répandent leur parfum amer qui flotte au-dessus du lit blanc - alors dans la grande nuit éveillée courent des angoisses et le coeur parle dans son sommeil, il s'envole et bute et sanglote dans la nuit saupoudrée de rosée, lumineuse et pleine de papillons…
Ah, comme le parfum amer du merisier élargit la nuit, et le coeur fatigué, épuisé par des courses heureuses, voudrait s'endormir un instant sur une frontière aérienne, sur l'arête étroite, tandis que la nuit s'écoule de plus en plus pâle et immatérielle, toute rayée de lignes et zigzags lumineux, et le coeur recommence à délirer, il se laisse entraîner dans les affaires compliquées des étoiles, hâtes essouflées, paniques livides, rêves lunatiques, frissons léthargiques."

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